La mutation des CAUE

Structures "originales", les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) abordent une phase nécessaire de mutation de leur modèle d'intervention dans une situation de fragilité financière.

Parmi les scénarios privilégiés, un rapport de l'administration préconise de repenser l'échelle territoriale des activités et de promouvoir la mission de conseil dans les domaines de la transition énergétique et écologique.

  • Dans un rapport conjoint rendu public ce 23 février, l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) s'attachent à définir des pistes de progrès susceptibles d'améliorer le fonctionnement des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), s'agissant de remettre "au cœur des politiques publiques" ces associations atypiques présentes dans 92 départements. A l'occasion de son congrès, au printemps dernier, leur Fédération nationale (FNCAUE) avait d'ores et déjà initié cette réflexion "vers un acte II du CAUE" (lire notre article ci-contre).
  • Fondés sur la loi de 1977 sur l'architecture, les CAUE ont pour mission d'informer et d'accompagner les particuliers, les collectivités locales et les professionnels sur le thème de la qualité du cadre de vie. Ce réseau départemental, doté par ailleurs de 10 unions régionales, délivre en moyenne chaque année 85.000 conseils aux particuliers et 18.500 conseils aux collectivités. Près de 70% des communes françaises y sont adhérentes, soit 10.832 communes à titre individuel et 11.060 au travers de 788 intercommunalités. Cet ancrage local, notamment dans le secteur rural, couplé aux garanties d'indépendance, fait de ces organisations des éléments incontournables : "aucune autre structure ne peut, à ce jour, prétendre à se substituer au rôle qu'elles jouent auprès des particuliers, et des collectivités", relève le rapport.

Fluctuations financières brutales

  • Néanmoins, force est de constater que les CAUE "font face aujourd'hui à d'importants défis", notamment d'ordre institutionnel. Ils doivent en particulier trouver une nouvelle place, dans un contexte de retrait de l'Etat de ses missions au profit des petites communes, amorcé en 2007, mais également caractérisé par la montée en puissance des métropoles (loi Maptam) et par les évolutions envisagées dans le projet de loi de nouvelle organisation territoriale de la République (Notr). Dans le même temps, plusieurs audits de chambres régionales des comptes ont mis en lumière à la fois l'obsolescence des statuts-types des CAUE et les difficultés de financement et de fonctionnement de ces associations, liées au reversement par les conseils généraux de la part départementale de la taxe d'aménagement (TA), depuis sa mise en place en 2012. La transition complexe du système de taxe départementale (TDCAUE) vers celui de la TA "a contribué à accroître confusions et difficultés", note le rapport. Selon la fédération nationale, 25% des CAUE sont ainsi financièrement en péril. Par ailleurs, dans de nombreux cas, les CAUE "maîtrisent mal leur gouvernance", indique la mission qui relève, aussi bien dans l'enquête qu'au cours des visites de terrain effectuées, des déficits dans le contrôle, la validation des décisions, les possibilités d'évaluation.

Nouvelles missions

  • Point positif : l'enquête menée montre que dans sa grande majorité, l'ensemble du réseau des CAUE "remplit bien en moyenne ses missions fondamentales", à savoir le conseil (56% de l'activité d'un CAUE), la diffusion de la qualité architecturale (20%) et la formation (12%). L'activité de conseil aux collectivités - toujours très en amont des projets et selon une démarche d'adhésion - représente ainsi la première activité des CAUE, pour 43% de leur temps passé. Cependant, cet équilibre est "précaire" et certaines missions (en particulier la diffusion et la formation) "gagneraient à être réalisées dans un cadre territorial plus vaste". Au regard du foisonnement des institutions au service de la qualité architecturale, urbaine et environnementale (écoles d'architecture, réseau des associations nationales/départementales d'information sur le logement - Anil-Adil -, Maisons de l'architecture, agences d'urbanisme, Ademe, parcs naturels régionaux, Cité de l'Architecture et du Patrimoine etc.), le rapport préconise de renforcer la coopération des CAEU avec les autres structures et, plus généralement, de "décloisonner leur action et affirmer un mouvement de mutualisations". Le cloisonnement, à la fois culturel et territorial, et l'individualisme des CAUE "les éloigne naturellement d'une vision stratégique", obérant leurs capacités de valorisation et de visibilité. Parmi les évolutions souhaitables, le rapport souligne le rôle potentiel des CAUE dans la transition énergétique ainsi qu'au service des nouvelles missions pressenties au service de la qualité architecturale et paysagère.

Scénario régional

  • Si la pérennisation du financement constitue indéniablement une priorité, "on ne peut que souhaiter qu'une mutualisation partielle du produit de la taxe puisse corriger les effets pervers de sa répartition", insiste le rapport. Après avoir écarté les scénarios de suppression des CAUE et de "l'étatisation" du dispositif, la mission privilégie par ailleurs deux pistes d'évolution. Tout d'abord une amélioration du schéma existant, "en veillant à la couverture exhaustive du territoire et à une tutelle améliorée, grâce à un fonctionnement en réseau renforcé". Autre alternative : la création d'un "CAUE régional" chargé de définir une stratégie, mutualiser des fonctions et répartir la ressource vers les CAUE "territoriaux". Le cas échéant, la part départementale de la taxe d'aménagement serait fléchée vers les conseils régionaux. Dans ce scénario, une structure de proximité répartie sur tout le territoire, le CAUE départemental (ou "territorial") serait mobilisé sur le conseil de proximité, aux particuliers et aux collectivités, en particulier lors de l'élaboration des documents d'urbanisme.

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions

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